vendredi 11 avril 2008

POLYPHONIC SIZE : Vivre pour chaque instant

LP, Sandwich records SR 14 / New Rose ROSE 12, septembre 1982

Quatre lignes de crédits ornent chaque côté de la pochette de l’édition française de Vivre pour chaque instant, une face en français l’autre en anglais ; de ces quatre lignes émerge un nom, en gras : Jean-Jacques Burnel. Le bassiste des Stranglers, ici producteur très actif et lead singer sur un titre, a imposé, sur son seul nom, cet album d’un groupe belge qui serait probablement resté beaucoup plus confidentiel sans son implication. Il s’est également taillé une part de lion sur ce disque, enregistré au début de l’année 1982 en Belgique, où il a très largement dépassé son rôle de réalisateur artistique.

Or que découvrait le fan des Stranglers avide de nouveautés ? Un disque essentiellement synthétique, fait de boîte à rythmes et de synthétiseurs seventies, au sein duquel se cachent ça et là des refrains pop imparables. Rares sont les morceaux qui évoquent les hommes en noirs –dont les membres de Polyphonic Size étaient avant tout des admirateurs. C’est tout juste si l’on peut citer « King of Hong-Kong », qui n’est pas sans rappeler les expérimentations des Stranglers de la période MeninBlack. Mais c’est plutôt dans le Kraftwerk de Trans Europe Express que semble se trouver la matrice des compositions de Roger-Marc Vandevoorde. Sur « Action Man », ce sont les rythmes primitifs et rugueux de Suicide qui s’imposent. On pense également, bien sûr, à toute cette vague de groupes français de la fin des années septante, ces jeunes gens modernes qui bricolaient de la pop avec des synthés à deux sous : Taxi Girl, Jacno…

D’autant que l’une des vraies forces du groupe est d’avoir imposé à cette musique qui se voulaient avant toute européenne des paroles en français qui refusaient à la fois la pose romantique ou l’infantilisme punk. C’est Dominique Buxin, qui ne fait pas partie du groupe, qui compose tous les textes, savant mélange de provocation (« Action Man »), de déclarations obliques (« Je t’ai toujours aimée »), de jeux de mots et de langue inédits (« En fait, mes affronts t’effraient ma fée / (…) Mens sana dans un corps de salauds », sur « Night Is Coming On »), de modernité trash (« Rendez-vous », « NBC GmBH », « Le temps du swing »). Malgré les apparences, ce n’est pas tant à Gainsbourg que l’on pense qu’à un Boris Vian qui aurait épousé la cause punk pour ajouter à son humour noir et à son pessimisme une dose savante de provocation (« Plus je suis bourré / Plus je suis anar / La société, tous des connards / Quand je suis retapé / Je range le bazar / Et je vais danser / La danse des canards », « Action Man »). Buxin prouvait, avec d’autres à la même période (Daniel Darc, puisque nous avons déjà évoqué Taxi Girl), que faire du rock en français pouvait avoir du sens.

L’autre force de Vivre pour chaque instant, c’est le sens de la mélodie de Roger-Marc. Les titres publiés en single, pour ne citer qu’eux, ont cette évidence qui leur permet de traverser le temps et de ne pas restercollées à ce début d’années 80 dans lesquelles pourraient facilement les engluer leurs synthétiseurs. Non, Polyphonic Size ne pourra jamais être confondu avec Partenaire Particulier : ces derniers n’ont pas été produit par un Stranglers, ils ne connaissent probablement de Kraftwerk que la-musique-qui-servait-de-générique-sur-Europe1-quand –j’étais-gamin, ils ne sortaient pas leurs disques sur le plus impeccables des labels français de l’époque… Et à moins que je me trompe, ils ne passaient pas à la télévision française en chantant : « avant de perde la face / Et de m’éteindre comme un vieux mégot / Mon tout dernier regard / Se portera sur tes fesses / Où je cachais chaque nuit / Le plus précieux de mon magot… »…

Singles extraits de l’album

  • Winston & Julia / Mother’s Little Helper (7” single, New Rose NEW 10, septembre 1982)
  • Je t’ai toujours aimée (7” single, New Rose NEW 13, décembre 1982)
  • Night Is Coming On (7” single, Sandwich records SR 23, février 1983)

A écouter également

  • la version de « Je t’ai toujours aimée » de Dominique A sur son album Auguri (Labels, 2001)

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