jeudi 13 mars 2008

FELT : Me And A Monkey On The Moon

LP, Cherry Red / El records acme 24, novembre 1989

C’était la fin 1989, la décennie allait bientôt s’achever et Lawrence décidait de mettre un terme à l’existence de son groupe, qui venait de traverser les années 80 en laissant derrière lui dix albums et dix singles. La séparation du groupe était prévue, annoncée avant même la sortie du disque et même, à en croire Lawrence, dès la création du groupe. Un groupe qui resterait avant tout associé à la personnalité maladive et austère et à la voix de Lawrence, traînante et désabusée, cousine britannique de celle de Lou Reed comme de Tom Verlaine, véhicule de ses maux et de son mal-être, qu’il aura poussé au silence sur deux albums instrumentaux mais qui n’aura cessé de hanter la discographie du groupe. Après cinq albums chez Creation, Felt revenait dans le giron leur première maison de disques, Cherry Red pour cette ultime collection de titres. A court d’argent à ce moment là, Alan McGee avait annoncé au groupe qu’il ne pourrait financer ni sortir le disque avant le début des années 90. Or Lawrence souhaitait absolument en finir avec Felt en même temps qu’avec les années 80, probablement parce qu’il avait déjà en tête le projet ouvertement seventies et anti eighties Denim qui prendrait forme dès le début de la décennie suivante.

Si ce disque est donc censé clôturer l’aventure débutée quelques dix années plus tôt, force est de constater que Lawrence a jeté toutes ses forces dans la bataille et a conçu ici une sorte de résumé idéal de la carrière du groupe en même temps qu’un formidable champ du cygne. Le mal-être de Lawrence transpire encore ici à longueur de titres : seulement, entre récit archi cru d’une agression pédophile («Budgie Jacket»), désillusion amoureuse (« I Can’t Make Love To You Anymore »), dégoût de soi (« Get Out Off My Mirror »), le vocaliste n’aura sans doute jamais été aussi direct et son propos si autobiographique (l'excellent "Mobile Shack" est ainsi un résumé de l'avant et après Felt en trois strophes). Musicalement, le son n’a jamais été aussi riche et plein et on est parfois bien loin du dépouillement de la plupart des disques précédents. L’élargissement du groupe (composé de deux guitariste pour l’occasion) et la production de Adrian Borland a probablement apporté à la musique de Felt ce mélange de puissance et de lyrisme contenu et tout en tension qui traversait les disques de The Sound et qui convient parfaitement à la pop mélancolique de Lawrence. Les guitares se permettent même des envolées inattendues (« New Day Dawning ») et on entend çà et là des sonorités de pedal steel ou de claviers qui enrichissent la palette sonore du groupe sans que ce ne soit pourtant jamais autre chose que du Felt de bout en bout. Au final, Me And a Monkey On The Moon est probablement le disque le plus accessible du groupe, son plus réussi aussi, peut-être. Un de ceux en tout cas auquel on revient le plus fréquemment près de vingt ans après les faits et qui n’en finit pas de révéler ses richesses.

C’est le 19 décembre 1989 que Felt disparaîtra définitivement, au terme d’un ultime concert donné à Birmingham, la ville d’origine du groupe, et d’un dernier titre : « Ballad of The Band ». Cette ballade composée sur près de dix ans aura été totalement unique, foisonnante et son écho est encore perceptible.

Single extrait de l’album

  • Get Out Of My Mirror (7’’ flexi donné pour annoncé la sortie de l’album un mois avant sa sortie, Cherry Red / El G-PO F44)

A écouter également

  • Bubblegum Perfume, compilation des années Creation du groupe (1986-1988) (Creation CRE LP 069, avril 1990)

A lire

  • dossier Felt paru dans le numéro 6 de Magic Mushroom, hiver 1993, signé Christophe Basterra.

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