samedi 12 janvier 2008

NICK CAVE & THE BAD SEEDS : Tender Prey

LP, Mute STUMM 52, septembre 1988

Album des plus intenses dans une discographie qui n’est pourtant pas avare d’exemples en la matière, Tender Prey, cinquième album de Nick Cave, a été enregistré entre août 1987 et mars 1988 entre Berlin (où Cave habitait alors), Londres et Melbourne. Réalisé au carrefour des trois villes où il avait vécu depuis le début des années 80, cet album est une sorte de somme de son oeuvre passée ; mais Cave y pose aussi les fondements de ses disques à venir. On y retrouve en effet ses paroles enflammées teintées d’évocations bibliques et suintant la culpabilité et l’auto-destruction sur fond de blues punk, de cabaret décadent, de gospel blanc-blanc mais des morceaux comme « Watching Alice », « Mercy » ou «Slowly Goes The Night » annoncent le Cave plus lyrique et des années 1990, chez qui l’électricité des guitares et la batterie laisseront davantage de place au piano et aux mélodies vocales, sans que son écriture ne perde rien de sa puissance. Simplement, au terme d’une bonne décennie et de sept albums (en comptant ceux de Birthday Party), Nick Cave a réussi à transformer son songwriting de manière à ne plus exprimer frontalement cette tension brute indissociable de son univers mais à la dissimuler derrière des mélodies et des arrangements plus classiques. Arrêté en janvier 1988 pour détention d’héroïne, la sortie de Tender Prey coïncide avec le début d’une cure de désintoxication ; « Watching Alice» et « Mercy », enregistrés en mars 1988, signalent à leur manière l’apaisement de leur auteur, dont les dernières paroles sur cet album seront : « There’ll be a new day / And it’s today / for us » (« New Morning »).

En attendant, c’est sur un titre épique, qui deviendra un classique de Nick Cave, que se présente cette « proie tendre » : « The Mercy Seat », plus de sept minutes durant lesquelles le monologue d’un condamné à mort en partance pour la chaise électrique (ou le siège de la miséricorde divin) est scandé sur fond apocalyptique de hammond, de cordes, de guitares, de piano, de batterie qui luttent plus qu’ils ne cohabitent. Grand œuvre de l’Australien, ouverture d’une incroyable force, «The Mercy Seat » est depuis joué à chaque concert ou presque donné par Nick Cave. D’abord parce que tout le monde l’attend, parce que Nick Cave est « The Mercy Seat » et vice-versa, certes, mais aussi parce qu’il faut probablement dépasser la lecture au premier niveau des paroles pour comprendre la place que ce morceau joue dans son répertoire. On peut facilement imaginer que le siège de la miséricorde entrevu par ce condamné n’est pas étranger aux préoccupations d’un auteur qui n’a cessé de se battre avec ses démons intérieurs, qui affirme ici tout au long du morceau « i’m not afraid to die »…. avant de se rétracter in extremis par un « i’m afraid i told a lie ». « My kill-hand is called E.V.I.L. / Wears a wedding band that’s G.O.O.D.” : c’est à la fois l’homme et l’oeuvre que semblent résumer ces deux lignes. La beauté singulière de l’œuvre de Nick Cave, et de cet album en particulier, tient dans l’équilibre qu’il parvient tant bien que mal à créer entre ces deux pôles.

Singles extraits de l’album

  • The Mercy Seat (7”, 12”, CD single, Mute 52, juin 1988)
  • Deanna (7”, 12”, Mute 86, septembre 1988)

A écouter également

  • And The Ass Saw The Angel (12” single donné avec les 5000 premiers exemplaires de Tender Prey, Mute PSTUMM 52 – extraits de son roman –alors inédit- lus sur fond musical)
  • «The Mercy Seat» interprété par Johnny Cash (American III – Solitary Man, CD, American recordings, 2000)

A voir

  • The Road To God Know Where (film sur la tournée américaine de 1989 ainsi que quelques videos parmi lesquelles les deux singles extraits de l’album – VHS Mute MF002, 1990 / DVD)

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