mardi 4 mars 2008

CAPTAIN SENSIBLE : Women & Captains First

LP, A&M AMLH 68548, septembre 1982
Chef d’oeuvre de psychédélisme à l’anglaise incroyablement méconnu (pour donner une idée de la chose, il n’en existe pas d’édition CD, sauf au Japon, depuis 2007…), Women & Captains First fait partie de ces disques que l’on emmènerait sans hésiter sur l’île déserte équipée de platine pour le vinyle et que l’on réécoute sans jamais se lasser de son charme. Pourquoi A&M (y a-t-il pire major ?) ignore-t-elle cet album pourtant essentiel ? Probablement à cause de ce Wot qui a assuré au Captain de quoi survivre jusqu’à la fin de ses jours mais qui a aussi condamné les onze autres morceaux de l’album à l’oubli. Certes il n’y a qu’un seul titre du calibre de Wot sur le disque (même si le riff de guitare ressemble un peu à celui de Gimme A Uniform) ; était-il d’ailleurs possible de rééditer l’exploit d’imposer un rap groggy aux paroles parfaitement stupides sur les ondes de l’Europe entière ? Mais c’est le reste qui est justement ici le plus intéressant. On se doutait bien en écoutant les albums les plus réussis des Damned (Machine Gun Etiquette,1979 ou encore le Black Album de 1980) de l’influence de la musique psychédélique anglaise des années 60 sur le groupe et sur son guitariste en particulier ; elle est ici manifeste et irradie cet album d’allure assez baroque, entre les intonations Barrettiennes (A Nice Cup of Tea, Who Is Melody Lee, Sid ?), les titres de comédies musicales des 40’s-50’s (Happy Talk, Nobody’s Sweetheart Now), les développements répétitifs (Brenda part 1 & 2, Croydon), les effets de collage, l’instrumentation fragile et délicate, les hymnes à une Angleterre de carte postale (Croydon), le non sens des paroles et du Captain lui-même… le tout disséminé en parties égales sur chaque face du disque.
Mais c’est avant tout la qualité des compositions des morceaux qui fait de cet album un classique à placer à côté de tous les maîtres du genre, de Syd Barrett comme de Julian Cope, de Kevin Ayers comme des Soft Boys de Robyn Hitchcock -qui joue de la guitare douze cordes sur Brenda- des Television Personalities, des Monochrome Set ou des Mabuses. Sensible fait montre d’une finesse d’écriture qui surprendra peut être ceux qui ne connaissent du bonhomme que Wot et des titres comme Brenda, Martha The Mouth ou Croydon révèlent même une capacité plutôt insoupçonnée à écrire des merveilles pop finement ciselées et ultra sensibles (pléonasme). Si l’amuseur cherche à occuper toute la place, le Captain est un doux romantique qui donne à l’idée de disque solo son vrai sens et à qui cette musique tout en douze cordes soyeuses et en synthés clochettes convient tout particulièrement lorsqu’il se fait introspectif.
Enregistré au printemps 1982, quelques mois avant le Strawberries des Damned, cet album allait pousser Sensible hors du groupe : il connaîtrait un hit single en Angleterre avec Happy Talk puis en Europe avec Wot et trouverait bientôt sa place trop étroite dans le line-up du groupe. En 1984, il quittera les Damned qui seront dès lors la chose de Dave Vanian pour le meilleur et pour le pire. Le Captain poursuivra lui sa carrière solo sans jamais retrouver le succès ni la constance dans l’excellence atteinte ici. Qu’importe : il suffit de ce Women & Captains First pour savoir que derrière les grimaces du Capitaine Sensé se cache un songwriter hors pair.
Singles extraits de l’album
  • Happy Talk (7” & 12”, A&M CAP 1, juin 1982)
  • Wot (7” & 12”, A&M CAP 2, août 1982
  • Croydon (7”, A&M CAP 3, octobre 1982)

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