jeudi 14 février 2008

YOUNG MARBLE GIANTS : Colossal Youth

LP, Rough Trade rough 8, février 1980

Alison Statton – voice ; Philip Moxham – bass ; Stuart Moxham – guitar & organ. Les Young Marble Giants sont sortis de nulle part –et y sont bientôt retournés- avec cet unique album qui suffirait pour définir le terme post-punk. Conçu avec une économie de moyen tant matérielle que technique et une indépendance d’esprit exceptionnelle, les Gallois ont réussi à bâtir un univers unique, autour de parties de guitares réduites à l’essentiel, d’une étonnante nudité, d’une basse sautillante, de quelques notes d’orgues parfois et de la voix claire et presque enfantine de Statton. Quelques jours d’enregistrement, des prises uniques la plupart du temps et au final une collection de vignettes à l’étrange, limpide et inoxydable beauté.

Si quelques titres (« Colossal Youth », « Wind In The Rigging ») accusent leurs presque trente années d’existence, la plupart restent comme hors du temps. « Searchning For Mr Right », « Eating Noddemix », « N.I.T.A. », « Brand-New-Life », c’est une palette d’émotions qui envahissent l’auditeur à chaque écoute. C’est bien sûr le pari d’avoir réussi à bâtir autant avec si peu qui frappe d’abord. C’est également la singularité de cette musique, due une fois encore à l’équilibre créé entre les guitares au jeu sec et souvent tendu et la voix de Statton. Les échos de Kraftwerk, d’Eno, la simplicité des enchaînements punks ou des guitares 50’s prennent ici une coloration surprenante. Les Young Marble Giants ont-ils sciemment élaboré cette musique prenant le contre-pied des productions indépendantes de l’époque en privilégiant au bruit une musique comme étouffée ? Peut-être étaient simplement incapables de concevoir leur musique autrement mais ils ont trouvé instinctivement, semble-t-il, un son, un ton uniques. On se demande par exemple à quel point Statton n’a pas été poussée derrière un micro tant on devine que l’exercice n’a en rien l’apparence d’une évidence ou d’une urgence – impression qui ne peut être que confirmée lorsque l’on voit des images du groupe sur scène. Mais sa voix se pose littéralement sur cette musique qui prend alors toute son envergure (les morceaux instrumentaux sont du coup plus faibles). Ainsi le vieux défi de créer un univers complexe et unique avec un rien –si ce n’est peut-être avec l’essentiel : quelque chose à dire- fonctionne ici à plein et sera source d’influences multiples et parfois inattendues dans les décennies qui suivront.

Kurt Cobain, l’un de ceux qui revendiqua l’apport de Colossal Youth, évoquait le sentiment curieux d’être attiré par cette musique qui n’a a priori rien pour le faire. C’est peut-être parce que derrière ces courts morceaux de pop minimaliste se cache une tension sourde ou, selon les morceaux, une tristesse qu’il est difficile de définir avec précision. Tout au plus devine-t-on dans les lyrics, les échos possibles de l’amour contrarié de Stuart pour Alison, qui lui préférait Philip. Album d’apparence serein, c’est peut-être cette douleur latente qui le porte à travers le temps et lui donne cette puissance unique.


A écouter également

  • Final Day (7”, Rough Trade, juin1980)
  • Testcard EP (7” single, Rough Trade, mars1981)

A voir

  • Live at The Hurrah ! (New York, 21-22 novembre 198o, VHS Visionary 1994, DVD Cherry Red 2004)

A lire

  • l’article consacré au groupe dans le Dictionnaire du Rock de Michka Assayas (Robert Laffont, Bouquins, 2000), article signé par Philippe Auclair (Louis Philippe pour la scène) qui travailla avec Stuart Moxham dans les années 1990.

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